Le marais de pente du Creux du parc à Busseaut (Côte d'Or) - Privé.
LES MARAIS TUFEUX DU PLATEAU DE LANGRES
Par Jean Marie Royer
Les particularités physiques (géologie, altitude) et climatiques de nombreux vallons du Plateau de Langres
et du Châtillonnais (Haute-Marne et Cote d’Or) ont favorisé le développement de marais tufeux qui figurent
parmi les plus typiques et les plus nombreux de France, une centaine étant dénombrés dans ce secteur
géographique. Ce type de milieu, caractérisé par un dépôt actif de carbonate de calcium constituant le tuf, est
rare en France et surtout localisé aux régions calcaires des montagnes et du nord-est.
Les marais tufeux se trouvent en amont des vallons, au niveau des marnes à Ostrea accuminata, là où
sourdent les nombreuses sources de la nappe phréatique emprisonnée dans les épais calcaires du plateau.
Cette nappe est très puissante, puisqu’au cours des étés les plus secs (1976, 1989, 2003), les marais sont
restés mouillés tout au long de l’été. Les marais tufeux sont des marais minéraux dont le sol riche en
concrétions calcaires est plus ou moins tourbeux. Les dépôts de tuf affectent différentes formesallant du tuf
pulvérulent à la tufière bien constituée.
Le climat du secteur est de type transition, marqué à la fois par les influences atlantiques et continentales,
avec des précipitations abondantes, de 880 à 1000 mm annuels, et des températures relativement basses.
L’éminent botaniste P. Fournier, auteur des Quatre Flores de France, qui termina sa vie au coeur du
Plateau de Langres à Poinson-les-Grancey, écrivait en 1936 qu’il gèle dans les vallons tufeux au moins une
fois par mois, y compris en juillet et en août.
Une quinzaine d’associations végétales sont recensées, la plus caractéristique et la mieux représentée étant la
parvocariçaie-schoenaie à Carex davalliana et Schoenus x-intermedius. La flore, très riche, comprend de
nombreuses espèces montagnardes, comme Swertia perennis, Carex davalliana, Dactylorhiza traunsteineri
et centreuropéennes comme Schoenus ferrugineus, espèces rares ou disparues ailleurs dans la plaine française.
Certaines espèces en forte raréfaction en France en dehors des montagnes présentent ici des populations
nombreuses et en bon état, notamment Epipactis palustris, Ranunculus polyanthemoides, Galium boreale,
Gentiana pneumonanthe ou Eriophorum latifolium.
La faune présente les mêmes intérêts que la flore, avec des Insectes à tendance montagnarde, souvent rares
en France, comme Cordulegaster boltonii, Cordulagaster bidentatus, Coenonympha tullia. Des Mollusques
peu fréquents ont été recensés récemment, dont Platyla dupuyi, Vertigo moulinsiana, Vertigo angustior,
Vallonia enniensis. L’écrevisse à pattes blanches est un hôte régulier des ruisselets qui traversent ces marais.
Il s’agit souvent de marais de pente constituant des enclaves intraforestières de dimension réduite, générale-
ment comprise entre 1 et 4 hectares. La limite séparant marais et forêt correspond à la ligne des sources
et suintements. Au sein du marais, les dépôts de tuf asphyxient les racines des arbustes et des arbres,
empêchant leur développement. Lorsque le marais tufeux n’est pas perturbé par le drainage et l’enrésinement,
seules ses marges sont envahies de broussailles. Ces marais sont considérés comme semi primitifs, dans le
sens où ils ont été peu modifiés par l’action humaine. Cette dernière fût autrefois réduite à un pâturage
extensif, notamment bovin, et à une fauche occasionnelle, notamment pour la récolte de litière. Ainsi la plupart
des marais ont fait l’objet, dans le passé, d’une utilisation extensive abandonnée progressivement entre les
deux guerres ou au plus tard vers 1950.
Le marais tufeux du Moulin de Saint-Germain à Saint-Germain-le-Rocheux (Côte d'Or) - Privé.
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